Pour reviser (pv Bandô)

10h00 du matin.

Nathanaëlle avait choisi cet hotel de luxe pour pouvoir travailler avec Bandô. Pourquoi un hotel, alors qu'Harvard devait disposer d'une formidable bibliotheque avec des tonnes de livres? Parceque Nathanaëlle tenait à aider Bandô sans que celle-ci ait peur de se faire voir par d'autres elèves. La nippone avait une reputation de tueuse à preserver, et Nathanaëlle, qui se souciait peu de savoir quelle genre de vie menait la japonaise et qui elle pouvait bien martyriser, voulait respecter ce desir, etant donné qu'il avait du falloir bien du courage à Bandô pour lui demander de l'aide.

Nathanaëlle avait demandé une chambre au dernier etage, avec un immense salon aux fauteuils d'epoque, et un balcon duquel on voyait l'océan. Elle avait jeté un coup d'oeil à la chambre, par habitude, et la salle de bain lui avait beaucoup plu, avec son marbre blanc. Mais elle adorait tout bonnement l'immense miroir du salon, et le lustre en cristal.
Elle avait egalement demandé à ce que sous aucun pretexte on ne les derange, avant de demander à ce qu'on fasse monter de quoi se restaurer, precisant qu'il etait inutile de faire apporter du caviar et du champagne, mais que des sodas, quelques bieres, et des patisseries feraient l'affaire. La receptionniste n'avait pas bronché, sachant qu'elle avait affaire à une jeune femme au porte-monnaie bien remplie.

Nathanaëlle avait emmené avec elle un gros sac à dos duquel elle sortit un cahier flambant neuf tout simple, et des livres de maths, de français, de litterature et autres. Nathanaëlle n'etait pas forcement une excellente elève, mais elle avait de bonnes bases, et un acquis solide qu'elle etait ravie de partager avec Bandô.

Lorsqu'on frappa à la porte, elle cru qu'il s'agissait du room-service, et s'arrangea quelque peu, tirant sur sa jupe et se recoiffant rapidement. En ouvrant la porte, elle constata qu'en realité il s'agissait de Bandô.

" Salut. Entre. " lui dit-elle avec un sourire.

En ayant en face d'elle Bandô, Nathanaëlle eut du mal à croire qu'il s'agissait vraiment de la japonaise. Les yeux injectés de sang et gonflés, le teint pâle, l'air epuisé... Rien qu'en la voyant, Nathanaëlle comprit que Bandô avait un peu trop forcé sur la bouteille hier soir. Elle avait deja eu à s'occuper de son frère lorsque celui-ci prenait des cuites monstrueuses. Aussi ne fut-elle pas trop surprise, juste navrée que Bandô se sente mal.

Elle la suivit du regard lorsque celle-ci fonça droit sur le lit sans même prendre la peine de la saluer puis referma la porte. Elle s'approcha du lit et constata l'etendue des degats. Bandô ne semblait pas vraiment en mesure de travailler, mais elle avait quand même fait l'effort de venir, aussi Nathanaëlle eut-elle un sourire.

Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, reflechissant aux paroles de Bandô.

" Plan lesbien? Je pensais qu'ici au moins on serait tranquille, mais si tu veux la prochaine fois on ira ailleurs. Seulement ici on est confortablement installés, avec le cable, de quoi manger et boire... Oh d'ailleurs, j'avais demandé à ce qu'on nous fasse monter de la biere pour toi, pensant que tu prefererais ca au soda, mais dans ton etat, ce n'est pas une bonne idée... " fit-elle en penchant la tête de coté.

Elle se dirigea vers le telephone pres du lit, decrocha et au bout de quelques instants se retrouva en ligne avec la reception.

" Oui j'avais demandé à ce qu'on fasse monter de la bière dans la suite 1123. Et bien finalement, des jus de fruit et de l'eau fraiche feront l'affaire. Apportez aussi de l'aspirine, et de la brioche. Merci. "

En raccrochant, elle coula un regard vers Bandô qui lui faisait remarquer que tant de luxe n'etait pas dans ses habitudes, et de toute evidence, la jeune nippone se sentait mal à l'aise de venir avec la gueule de bois. Nathanaëlle secoua la tête.

" T'inquietes, du moment que ca ne se reproduit plus quand on bosse ensemble. Et oui, dans un sens tu as raison, je n'ai jamais manqué de rien, à part d'une famille. " lanca-t-elle sans y penser.

Elle fronça les sourcils, puis decida de passer à autre chose. Elle se mit à rire en voyant la reaction de Bandô en decouvrant les livres.

" Et oui, c'est un tout nouvel instrument de torture qui s'appele : le travail scolaire. Je suis sûre que tu vas finir par aimer. "

Lorsqu'on frappa à la porte, elle alla ouvrir et laissa le room-service entrer avec son chariot où se trouvait une dizaine de soda et de jus de fruit differents, des patisseries en tout genre et une enorme brioche doré, le tout sur des plateaux en argent. Et sur le coté, une boite d'aspirine. Nathanaëlle sourit au jeune homme qui s'etait occupé de leur monter le chariot.

" Je vous remercie, vous avez été tres rapide si on tient compte du fait que j'ai modifié ma commande à la derniere minute. Voila pour vous. " lui dit-elle en lui tendant un biller de 50$ qu'il accepta avec un immense sourire.

Une fois qu'elles se retrouverent seules à nouveau, Nathanaëlle servit un grand verre de jus de fruit à Bandô, lui coupa une tranche genereuse de brioche et lui apporta le tout avec deux aspirines.

" Il faut que tu manges pour nettoyer ton estomac. Prends ces cachets, ca ira mieux. " lui conseilla-t-elle. " Tu as vraiment une tête epouvantable, desolée de te dire ca... " ajouta-t-elle doucement.

Avec un sourire qui dissimulait difficilement son amusement, Nathanaëlle faisait de son mieux pour ne pas irriter Bandô. Mais cela etait peine perdue. La nippone avait trop bu, avait la gueule de bois -autrement dit elle etait de très mauvaise humeur-, et en plus il n'etait pas dans son caractere d'être agreable.
Aussi Nathanaëlle ne s'offusqua pas, plus charmée par le caractere de Bandô qu'autre chose. Mais son gout pour l'alcool n'etait pas... au gout de la française. Et elle le fit savoir en secouant la tête.

" Pas d'alcool aujourd'hui, tu as assez bu comme ca, et qui plus est nous sommes ici pour travailler. " fit-elle avec raison. " Et si tu veux obtenir quelque chose de ces gens... " ajouta-t-elle en parlant du garçon du room-service. "... il vaut mieux avoir de l'argent. Ils ne t'ecoutent que si tu as un beau billet à leur glisser, sinon ils ne se montrent pas tres cooperatifs. "

En voyant que Bandô ne semblait pas d'humeur à cooperer tant qu'elle n'aurait pas de biere, Nathanaëlle posa brusquement son plateau sur la table et s'assit à même le sol.

" Pas de biere aujourd'hui, si tu bois tu ne vas pas reussir à travailler, et rappele toi on est là pour montrer aux gens ce que tu sais faire, et il ne s'agit pas de la quantité d'alcool que tu es capable d'ingerer. Maintenant tu vas te lever, t'asseoir à cette table, manger un morceau et prendre de l'aspirine, et ensuite nous commencerons à travailler. " lui dit-elle d'un ton sans appel. " C'est Miss Univers qui te le demande. Je sais que tu peux le faire, tu en es capable et tu vas me le prouver. "

Son regard disait clairement qu'elle avait confiance en la japonaise, qu'elle etait prete à l'aider, mais que Bandô devait aussi y mettre du sien.

" Je ne t'abandonnerai pas ma vieille, même si je dois te sevrer pour ca. " murmura-t-elle sur un ton à demi menacant.

Elle savait que Bandô ne prendrait pas ses menaces au serieux -que pouvait faire une fille comme Nathanaëlle contre une yankee comme Bandô, franchement?- mais elle etait determinée à l'aider.

Enfin Bandô reagissait! Nathanaëlle la trouvait plutôt courageuse de bien vouloir travailler alors qu'elle etait plus en etat de s'evanouir qu'autre chose, mais elle s'abstint de lui en faire la remarque. Elle se contenta d'hocher la tête et de se relever. Il avait été ardu de lui faire renoncer à l'alcool, mais finalement, Bandô faisait preuve de bonne volonté. Tout ce que Nathanaëlle avait à faire, c'etait de maintenir sa jeune élève eveillée, et d'arriver à capter son attention.

Elle la rejoignit à la table, mais ne s'assit pas.

" J'ai eu un caniche une fois. C'etait un cadeau de ma voisine. Je lui ai roulé dessus avec mon velo sans faire expres. " commenta-t-elle distraitement. " Il n'a pas vraiment apprecié. Ma voisine non plus d'ailleurs. Mais moi à la base je voulais un huski. " ajouta-t-elle au bout d'un moment.

Elle haussa les epaules et prit une chaise qu'elle placa pres de Bandô mais pas trop pour le pas l'enerver par une proximité qu'elle aurait pu trouver deplacée, et ota la brioche de sous les yeux de la nippone.
En voyant que celle-ci avait saisi un livre de mathematique, elle lui prit gentiment des mains.

" Les maths, ce n'est pas une tres bonne idée dans ton etat. Je pensais que nous pourrions commencer par un peu de litterature. " suggera-t-elle.

" Et si tu n'aimes pas la brioche, je peux demander à ce qu'on nous fasse monter autre chose. Tu aimes manger quoi? " demanda-t-elle en ayant vraiment l'air de se soucier de ce qu'aimait Bandô.

Elle n'allait pas non plus la laisser mourir de faim, et un bon repas lui ferait le plus grand bien.

Pour la première fois, Nathanaëlle voyait Bandô sourire, rire même, et la japonaise lui racontait même qu'elle avait eu un chien qu'elle adorait. Oui oui, adorait. Sous cette dure carapace de jeune femme enragée, se cachait un être capable d'eprouver des sentiments, de la tristesse, et peut-être même de l'amour, qui sait.

Elle en etait là de ses pensées lorsque la japonaise lui fit savoir qu'il etait temps de se mettre à travailler, et Nathanaëlle sourit interieurement en constatant que c'etait Bandô qui reclamait la torture.

" Pour commencer, je veux connaître ton niveau en vocabulaire, grammaire, et syntaxe. Pour ca, tu vas me faire une petite dissertation. "

Elle prit une feuille blanche, un stylo, et les tendit à la japonaise.

" Tu peux choisir le sujet que tu veux, sordide ou non, mais je veux que ca remplisse au moins un verso de la page. Pas de gros mots, pas de mots japonais, pas d'abreviations. Ca m'aidera à determiner tes capacités. Apres je pourrais te donner differents exercices, en fonction de tes lacunes. Tu verras, c'est facile. Moi aussi j'ai eu du mal à vraiment m'emmerger dans la langue americaine. "

Elle regarda sa montre.

" Tu as une demi-heure. "

Elle laissa la japonaise tranquille et alla s'asseoir dans un fauteuil avec un roman.

Au bout de trois-quart d'heure -Nathanaëlle avait deliberement laissé un peu plus de temps à Bandô, sachant que la japonaise n'avait pas l'habitude de travailler-, Bandô lui rendit la feuille dans un piteux etat. Mais Nathanaëlle ne fit aucun commentaire. Apres tout, lorsqu'elle etait enfant, elle aussi rendait des copies pleines de ratures et de fautes.

" Voyons voir... " murmura-t-elle en prenant un stylo rouge.

Des fautes, la copie de Bandô en contenait des tonnes. Et il n'y avait aucun style, et des erreurs de syntaxe enormes. Nathanaëlle prit une feuille à part, et nota les faiblesses de Bandô en matière d'expression ecrite. Elle ne semblait pas choquée par ce qui etait ecrit, soit parcequ'elle pensait naîvement que tout etait inventé, soit parcequ'elle etait tellement occupée à relever les nombreuses fautes que le sujet du texte lui passait au dessus de la tête. Quoi qu'il en soit, au bout de quelques minutes, elle releva la tête et poussa un soupir, mais elle souriait d'un air encourageant.

" Ce que tu ecrit est simple, tu vas droit au but. Ce n'est pas comme ces auteurs qui ecrivent sur des pages et des pages ce qui aurait pu être expliqué en une seule. " dit-elle.

Elle montra la copie de Bandô couverte de rouge.

" Par contre, tu n'accordes pas tes verbes et tes adjectifs quand il le faut. Tu manques de vocabulaire, et ton orthographe laisse à desirer, mais cela s'arrangera facilement. Regarde là... "

Elle expliqua rapidement quelles erreurs il fallait eviter imperativement, et montra à Bandô quand et comment conjuguer les verbes et accorder les adjectifs.

" Maintenant, regarde ca. "

Elle prit un livre de conjuguaison, le feuilleta, et designa des exercices où la terminaison des verbres etait absente.

" Tu vas faire ces exercices et apres je les corrigerai. "

Alors qu'elle relisait la copie de Bandô, quelque chose sembla la frapper, et elle se tourna vers la japonaise. Elle la considera gravement pendant un petit moment.

" Dis moi... Ce que tu as ecrit... C'est pour de vrai, n'est ce pas? ... " dit-elle doucement.

Elle se rendit compte qu'elle etait bien indiscrete de demander ce genre de choses.

" Heu enfin, c'est pas le problème. Mais la prochaine fois, je te donnerai un sujet, si tu veux. Pour l'instant, fais les exercices. "

Elle prit un soda et se remit à lire.

Nathanaëlle considerait Bandô d'une toute autre manière que ceux aui avaient entouré la jeune yankee jusqu'à present. En la regardant, ou plutôt en l'ecoutant, elle devinait que quelque chose se cachait tout au fond de la japonaise, sans arriver réellement à determiner de quoi il s'agissait. Etait-ce quelque chose de bien? De mal? Elle l'ignorait.

Elle voyait bien que Bandô n'etait pas stupide, qu'elle avait du potentiel. Les yeux plissés, elle la contempla lorsqu'elle faisait sagement ses exercices, et songea qu'il fallait à tout prix qu'elle l'aide. Elle ne la sortirait certainement pas de son monde de brutalité, mais elle ne la laisserait pas continuer à avoir une aussi mauvaise opinion d'elle même. Bandô etait malheureuse, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Et pour taire sa tristesse et sa douleur, elle s'enfoncait dans un univers de cruauté et de violence. Elle ne semblait pas avoir connu d'enfance heureuse. Comme si sa vie s'etait arreté à un certain âge.
Nathanaëlle n'avait jamais eu d'amie à proprement parler. Mais à cet instant, elle ne s'en rendit pas vraiment compte, mais elle considerait Bandô comme une amie à aider. Elle ferait tout pour cela, quitte à en souffrir.

En l'ecoutant expliquer pourquoi elle avait torturé un homme, Nathanaëlle dut avouer qu'un certain effroi l'avait envahi, suivi par une profonde peine pour la japonaise. Elle se demandait qui etait ce "boss" dont parlait Bandô. Surement un homme très craint, pour que Bandô suive ses ordres à la lettre. Nathanaëlle ne le rencontrerait probablement jamais, et c'etait mieux comme cela. Mais elle regretta de ne pas être comme ces magiciens dans les livres qu'elle lisait, avec des pouvoirs magiques, et capables d'aider les autres.
Elle n'avait pas de pouvoirs. Elle n'avait pas grand chose. A part une main à tendre. Et elle souhaitait de tout son coeur que Bandô l'accepte.

Elle continua de l'observer attentivement par dessus son roman, puis glissa un regard vers la feuille chiffonnée que Bandô avait negligemment jeté par dessus son epaule, avant de revenir vers la japonaise.

* Tu ne le sais pas, mais il y a de quoi être fiere de toi... * pensa-t-elle.

Ces pensées, elle les garda enfouie en elle, car elle ne voulait pas mettre Bandô mal à l'aise. Mais un jour, elle les lui dirait, et elle esperait que la japonaise les comprendrait.
Elle termina son soda, et se leva pour la jeter à la poubelle, et se faisant, elle se baissa pour ramasser la boulette de papier, mais au lieu de la jeter, elle l'enfonca dans sa poche, et revint s'asseoir comme si de rien n'etait. Elle ne parlait pas japonais. Mais elle trouverait le moyen de traduire ce que Bandô avait ecrit.

En attendant que Bandô termine ses exercices, Nathanaëlle prit le cahier neuf qu'elle avait emmené, l'ouvrit et à la premiere page recopia une dizaine d'exercices de conjugaisons. L'ecriture soignée de la française jurait avec celle que la japonaise avait. Mais les exercices qu'elle recopiait seraient les devoirs de Bandô.

Nathanaëlle avait levée les yeux de son roman quand Bandô lui avait adressé la parole, mais la japonaise s'etait lancé dans un flot de paroles ininterrompus, et, interessée, la française l'avait laissé parler.

Quelques phrases attirerent son attention, et parfois un air perplexe passait sur son visage. Une certaine Lyn faisait quoi exactement? Quelque chose de degoutant, selon toute vraisemblance. Nathanaëlle dut se faire violence pour ne pas se mettre à imaginer ce qui se passait dans le fameux clan de Bandô. Elle etait peut-être naîve, mais pas dupe, et il devait se passer des choses pas tres catholiques.

Et qui etait donc cette "blondasse jap" dont Bandô parlait? Une amie à elle? A eviter, de toute evidence, et surement pour de bonnes raisons. "Trace ta route", avait-elle dit? Nathanaëlle s'en souviendrait. Bien que la curiosité la demangeait au point de vouloir en savoir davantage sur ce groupe. Mais elle n'etait pas prête à se mettre en danger pour cela, et encore moins à entrer dans un clan aussi malsain. Elle ne fumait pas, ne buvait pas, ne se droguait pas, elle n'y avait pas sa place.

Ce que Bandô raconta à la suite, Nathanaëlle ne put s'empecher d'en sourire avec amusement. Ecouter la yankee parler de son enfance etait un ravissement, car en la voyant il etait ardu de l'imaginer autrement que cognant sur tout le monde. Nathanaëlle la voyait sans peine, avec deja un fort caractère, un parler franc, mais une bouille adorable et une pureté dans l'âme qui etait loin de ce qu'elle etait devenue maintenant.
Qu'avait-il bien pu se passer pour provoquer un tel changement chez la japonaise? Un drame, un evenement horrible. Nathanaëlle avait commencée à avoir des crises de violence après la mort de ses parents. Peut-être Bandô avait-elle connu pareille chose.

Soudainement, et sans prevenir, Bandô tomba face contre la table, endormie. Nathanaëlle en jeta son livre par terre, et se precipita vers la japonaise.

" Bandô? Eh oh? Tu m'entends? " chuchota-t-elle en la secouant legerement.

La considerent avec curiosité, elle recupera la feuille sur laquelle Bandô avait commencé à faire ses exercices, et s'assit pour les corriger. Mais son regard tomba sur les origamis confonctionnés par la japonaise, et elle s'empara du chat en papier avec un sourire attendrie. Son regard devia vers la japonaise, qu'elle fixa un moment. Elle se leva, alla dans la chambre et revint avec une couverture legere qu'elle deposa sur les epaules de Bandô. Puis elle se mit à corriger les exercices de la nippone.

[Hj : Sorry pour le retard, j’avais la tête dans le sac, faut que je sois d’humeur à faire des conneries pour jouer Bāndô [mode surconne] lll]

L’hyperactive narcoleptique s’échoua sur la table, s’endormant d’une traite…
En effet, il était cocasse de s’imaginer cette folle furieuse en morveuse innocente. Enfin… pas tout à fait, car à peine appris t-elle à parler qu’elle disait tout ce qui lui passait par la tête… A croire que le modem ADSL dont elle parlait, avait été branché depuis sa naissance… Urushima disait beaucoup de stupidités plus grosse qu’elle mais elle se montrait franche : si quelque chose n’allait pas, elle le balançait à la figure d’Untel.
Mais avant son changement radical, -ou du moins son extrapolation du « soi », car après tout, elle avait abouti sa personnalité- elle était relativement perturbée… Bāndô se souvenait encore des réceptions militaires où son père prenait le temps d’en faire une autre avant que ses invités n’arrivent : il voulait à tout prix cacher son métissage, teignant les cheveux d’or de l’enfant en un noir de jais, et lui posant dès son plus jeune âge des lentilles brunes… Ce comportement la faisait douter de son existence, pourquoi donc faisait-il ça ? Elle n’était pas normale ?
Maintenant, elle avait gardé ses habitudes, cachant toujours la couleur de ses yeux ; quant à sa chevelure, elle restait blonde, car colorée maintes fois, on croyait qu’ils n’étaient pas naturels, nul besoin de le cacher…

Nathanaëlle pensait à un événement tragique, comme la mort des parents de la japonaise. Cette nouvelle serait accueilli avec le sourire par la marginale… Elle aurait préféré les voir dans un caveau plutôt que dans sa vie… Ils y firent une simple apparition, -avant qu’elle décide de son indépendance- mais assez mémorable pour lui pourrir la vie.

Bāndô se réveilla trois quarts d’heure après… Voulant s’étirer, elle se résigna, faisant la morte. La nippone regarda Nathanaëlle de biais. Qui était cette fille ? Ah oui… Elle se souvint… Le temps que tout se reforme dans son cerveau malade, Urushima se remémora aussi la soif qui la tiraillait et ce n’est pas un jus de fruit qui animerait l’entreprise là-haut, cette chose où les neurones y étaient en voie de disparition.
La française n’avait pas remarqué que son élève s’était réveillée ; la nippone en profita donc, se glissant hors de sa chaise, elle rejoint le lit, se cachant dans le coin sombre de la chambre. Elle avait enfilé la couette, cachant son visage à la manière de ces ninjas des séries débiles.

*** Fourbe… Tu n’auras pas ma peau… Ni mon estomac… Qui commence déjà faire des nids de poules…l’est en manque le petiot…***

En silence, elle rampa jusqu'à la porte, s’inspirant des jeux vidéos tout aussi stupide auquel elle jouait souvent, beaucoup trop souvent…

*** L’oiseau est dans le nid, je répète, l’oiseau est dans le nid… ***

Regardant si Nathanaëlle était toujours dans ses corrections, elle se retourna et elle tendit lentement la main vers la poignée de la porte.

*** Allez… encore un peu… Et à moi la bibine ! ***

Mais soudain, une musique retentit : son portable vibra et tonna une chanson de rock japonais.

*** ET MERDE ! ***

Elle s’affola, cherchant son phone dans l’une de ses nombreuses poches, quand elle le trouva enfin, -lui laissant le temps de faire un boucan assez audible pour réveiller tout l’hôtel-, elle décrocha.

« NON bordel… j’avais demandé à ce que tu me le polisse, pas que tu me le décore ! je m’en tape d’avoir un smiley sur le manche… Crétinois… »

Raccrochant, furieuse, elle se rappela alors de la situation dans laquelle elle était ; à vrai dire, en boule contre la porte, enroulée dans une couette ridicule, avec le plus beau des silence pour appuyer sa présence… Lentement, elle tourna la tête vers Nathanaëlle, comme si elle se préparait à voir Leatherface ou un de ces autres monstres de films d’horreurs. Une fois qu’elle croisa son regard, elle fit une moue de gosse prise sur le fait.

« Nan. Pas du tout. C’est faux. Je nie. »

La française devait l’avoir remarqué depuis le début de sa croisade de la table vers la porte mais son imagination lui avait dicté une toute autre réalité, pensant être discrète avec cette couette immense qui devait faire trois fois sa taille. Soupirant, Bāndô s’avoua vaincue, arborant le ton d’une enfant qu’on venait de punir, et qui réclamait tout de même…

« Pooooh.... J’en ai marre de faire des exercices… J’veux ma bière bordel… J’ai soif… J’ai la gorge toute sèche… Je vais me décomposer et mourir… ça sera de ta faute, t’auras ma mort sur la conscience… »

Tout comme elle avait fait avec Shuuji, elle réitéra son cinéma avec Nathanaëlle, faisant comme si elle était prise de spasmes, se contorsionnant dans tous les sens, toujours dans sa couette qui lui cachait la moitié du visage, avant de tomber à terre, mimant une mort théâtrale… Elle laissa quelques minutes distendre un silence, avant d’ouvrir un œil pour voir si son caprice avait marché, bien qu’elle n’avait aucune chance de décrocher un rôle dans la catégorie Art dramatique…

[ y'a pas de problèmes pour moi t'en fais pas ]

Ebahie par les nombreuses fautes que Bandô pouvait faire sur des exercices de niveau primaire, Nathanaëlle n'avait en effet pas remarqué que la nippone s'etait reveillée. Elle etait bien trop occupée à barrer de rouge chaques terminaisons que la japonaise avait ecrites sur sa feuille, toujours avec son ecriture brouillonne et tremblotante. Elle ne remarqua pas non plus que Bandô avait entamée une retraite vers la porte, camouflée, du moins le croyait-elle, dans une couverture provenant d'un hotel de luxe.

C'est ainsi que Nathanaëlle, plongée dans ses corrections, fut distraite par un bruit de sonnerie. Elle ne reagit pas de suite, ne reconnaissant pas la sonnerie de son portable, puis, realisant que la japonaise mettait du temps à repondre, se redressa, et constata avec surprise qu'elle etait toute seule assise à la table, et que Bandô, enroulée dans la couverture telle une ninja de dessins-animés, se tenait pres de la porte, son telephone à la main, en train d'apostropher celui qui etait à l'autre bout du fil.

Ses yeux s'arrondirent, et elle resta silencieuse un moment, un long moment, stupefaite devant la scene qui s'offrait à elle. Bandô lui certifia qu'elle n'avait rien fait, et que tout etait faux.
Mais heu... Que quoi etait faux?
Elle cligna des yeux plusieurs fois devant le caprice qui suivit, digne d'une enfant de dix ans, mais provenant d'une jeune femme qui devait en avoir vingt. Le silence se prolongea, et Nathanaëlle baissa la tête, dissimulant son visage sous ses cheveux chatains. Ses epaules furent parcourures par des tremblements, et elle se plaqua une main sur la bouche.

Lorsqu'elle se redressa, sa bouche s'etait etirée en un large sourire qu'elle tentait, en vain, de dissimuler. Tout son corps etait secoué par des spasmes, et au final un grand eclat de rire lui echappa.
Morte de rire, les larmes aux yeux, son rire emplissait la piece, et Nathanaëlle eut du mal à rester assise sur sa chaise. En voyant l'air de Bandô, elle fit un geste dans sa direction, essayant de parler.

" Ce n'est... pas... contre... toi... tu... tu es... trop... drôle... " reussit-elle à hoqueter entre deux fous-rire.

Et elle repartit de plus belle.

Au bout de dix minutes, elle parvint à se calmer, et s'essuya les yeux.

" Oh je suis desolée, je n'ai pas pu m'en empecher. Je ne me moquais pas de toi, mais tu etais trop marrante, et si mignonne. " fit-elle en se levant.

Elle commenca à ranger les livres.

" On va arreter pour aujourd'hui si tu veux, je ne veux pas te forcer. Par contre, on se revoit demain matin, à la même heure. Tiens. "

Elle lui tendit son cahier tout neuf.

" Ca, c'est un cahier que j'ai acheté expres pour toi. Alors tu ne le perds pas, tu ne le vends pas, tu ne le donnes pas à manger à ton chien, tu ne le brule pas, tu ne pisses pas dessus, tu y fais tres attention. Dedans il y a des exercices, que tu feras ce soir, et que je corrigerai demain. Et aussi, tu vas lire ceci. "

Elle lui tendit un livre d'une dizaine de pages.

" C'est tres facile à lire. Je veux que demain, tu puisses m'en parler, donc tu as interet de le lire. Et demain, j'apporterai de la biere. Donc si tu travailles bien, tu pourras en boire. " promit-elle.

Nathanaëlle se retrouva donc toute seule, apres que la japonaise soit partie, par la fenetre, allez comprendre pourquoi... La jeune française fixa la fenetre un petit moment avec un sourire. Elle n'avait pas autant ri depuis longtemps. En fait, elle ne se souvenait même plus de la dernière fois où elle avait ri de cette manière. Et cela lui avait fait le plus grand bien. Elle se sentait heureuse, detendue, et... le mot qui conviendrait le plus serait "humaine" mais cela voudrait dire que jusqu'à present elle ne s'etait pas sentie humaine.
Dans un sens, ce n'etait pas totalement faux. A force de croiser des regards effrayés, et anxieux, Nathanaëlle s'etait petit à petit prise pour un monstre.
Mais à ce moment precis, elle se sentit revivre, et elle remercia mentalement la japonaise pour lui faire ressentir ce genre de choses.

Elle termina de ranger ses affaires, prit un soda pour la route, et quittala chambre. En passant devant la reception, elle s'arreta.

" S'il-vous-plait? Je souhaiterais parler au directeur. " demanda-t-elle.

La receptionniste fut surprise, mais s'executa docilement. On ne dit pas non à une milliardaire. Lorsque le directeur se presenta, Nathanaëlle prit un air hautain et couroucé.

" J'etais dans la suite 1123. Je voudrais signaler la mauvaise qualité du room service, qui en plus d'avoir oublié la moitié de ma commande, à fait preuve d'insolence et d'un manque de respect inadmissible envers mon amie. Je souhaiterais que le jeune homme qui s'est occupé de nous soit renvoyé sur le champ. " exigea-t-elle d'un ton sans appel. " Si je devais revenir chez vous, et constater que ce malpoli y etait encore, vous pourrez mettre la clef sous la porte, me suis je bien fait comprendre ? "

Et sans un autre mot elle sortit de l'hotel. Le directeur s'executa aussitôt, et le pauvre garçon du room service fut mis à la porte sans même comprendre pourquoi.

Une fois dehors, Nathanaëlle mit ses lunettes de soleil sur son nez, et se dirigea vers l'hopital pour son examen mensuel.

[ Topic liberé ]